Les lettres de mon moulin d'Alphonse Daudet - La chèvre de monsieur Seguin
M. Seguin n'avait jamais eu de bonheur avec ses chèvres.
Il les perdait toutes de la même façon; un beau matin, elles cassaient leur corde, s'en allaient dans la montagne, et là-haut le loup les mangeait. Ni les caresses de leur maître, ni la peur du loup, rien ne les retenait. C' étaient, paraît-il, des chèvres indépendantes, voulant à tout prix le grand air et la liberté.
Le brave M. Seguin, qui ne comprenait rien au caractère de ses bêtes, était consterné. Il disait:
"C'est fini;les chèvres s'ennuient chez moi, je n'en garderai pas une."
Cependant, il ne se découragea pas, et, après avoir perdu six chèvres de la même manière, il en acheta une septième; seulement, cette fois, il eut soin de la prendre toute jeune, pour qu'elle s'habituât mieux à demeurer chez lui.
Ah! Gringoire, qu'elle était jolie la petite chèvre de M. Seguin! Qu'elle était jolie avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs poils blancs qui lui faisaient une houppelande! C'était presque aussi charmant que le cabri d'Esméralda - tu te rappelles, Gringoire? - et puis, docile, caressante, se laissant traire sans bouger, sans mettre son pied dans l'écuelle. Un amour de petite chèvre...
M. Seguin n'avait jamais eu de bonheur avec ses chèvres.
Il les perdait toutes de la même façon; un beau matin, elles cassaient leur corde, s'en allaient dans la montagne, et là-haut le loup les mangeait. Ni les caresses de leur maître, ni la peur du loup, rien ne les retenait. C' étaient, paraît-il, des chèvres indépendantes, voulant à tout prix le grand air et la liberté.
Le brave M. Seguin, qui ne comprenait rien au caractère de ses bêtes, était consterné. Il disait:
"C'est fini;les chèvres s'ennuient chez moi, je n'en garderai pas une."
Cependant, il ne se découragea pas, et, après avoir perdu six chèvres de la même manière, il en acheta une septième; seulement, cette fois, il eut soin de la prendre toute jeune, pour qu'elle s'habituât mieux à demeurer chez lui.
Ah! Gringoire, qu'elle était jolie la petite chèvre de M. Seguin! Qu'elle était jolie avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs poils blancs qui lui faisaient une houppelande! C'était presque aussi charmant que le cabri d'Esméralda - tu te rappelles, Gringoire? - et puis, docile, caressante, se laissant traire sans bouger, sans mettre son pied dans l'écuelle. Un amour de petite chèvre...