La neige en deuil d' Henri Troyat
Chapitre 6
Isaïe se mit à tirer la corde. Ses mains, labourées jusqu'au sang, se collaient au chanvre. Un mal précis rongeait sa chair, traversait ses muscles, pénétrait dans ses os par saccades. Les yeux clos, les mâchoires soudées, il titubait de souffrance et de bonheur:" Je l'ai retenu. La peau arrachée, mais je l'ai retenu. Moi, Zaï! Si seulement il pouvait s'aider davantage!..."
-Tire! Tire, Zaï! Pourquoi t'arrêtes-tu?
Il n'y avait pas de fin à son supplice. Un ordre supérieur le condamnait, pour l'éternité, à sortir du gouffre ce poisson énorme qu'était son frère. Main sur main. Douleur sur douleur. La corde mollit. Une ombre couronna le surplomb. Isaïe ouvrit les yeux, lâcha la corde. Marcellin se tenait devant lui. Livide, la joue égratignée, la bouche béante sur un bout de langue qui tremblait.
-Quand tu as décoincé la corde, j'ai reçu la vibration... J'ai été surpris... J'ai fait un mouvement... Mon sac m'a entraîné en arrière...
Des molécules scintillantes dansaient devant les prunelles d' Isaïe. Il redouta un étourdissement.
-Tu me passeras ton sac, dit-il d'une voix rompue.
rompue=brisée
Chapitre 6
Isaïe se mit à tirer la corde. Ses mains, labourées jusqu'au sang, se collaient au chanvre. Un mal précis rongeait sa chair, traversait ses muscles, pénétrait dans ses os par saccades. Les yeux clos, les mâchoires soudées, il titubait de souffrance et de bonheur:" Je l'ai retenu. La peau arrachée, mais je l'ai retenu. Moi, Zaï! Si seulement il pouvait s'aider davantage!..."
-Tire! Tire, Zaï! Pourquoi t'arrêtes-tu?
Il n'y avait pas de fin à son supplice. Un ordre supérieur le condamnait, pour l'éternité, à sortir du gouffre ce poisson énorme qu'était son frère. Main sur main. Douleur sur douleur. La corde mollit. Une ombre couronna le surplomb. Isaïe ouvrit les yeux, lâcha la corde. Marcellin se tenait devant lui. Livide, la joue égratignée, la bouche béante sur un bout de langue qui tremblait.
-Quand tu as décoincé la corde, j'ai reçu la vibration... J'ai été surpris... J'ai fait un mouvement... Mon sac m'a entraîné en arrière...
Des molécules scintillantes dansaient devant les prunelles d' Isaïe. Il redouta un étourdissement.
-Tu me passeras ton sac, dit-il d'une voix rompue.
rompue=brisée
Dernière édition par Yves le Mer 24 Juil - 4:16, édité 1 fois