Voici la suite des Lettres de mon moulin d'Alphonse Daudet
Le secret de maître Cornille (fin)
A ce moment les ânes arrivent sur la plate-forme, et nous nous mettons tous à crier bien fort comme au temps des meuniers:
"Ohé! du moulin!...Ohé! maître Cornille!..."
Et voilà les sacs qui s'entassent devant la porte et le beau grain roux qui se répand par terre, de tous côtés...
Maître Cornille ouvrait de grands yeux. Il avait pris du blé dans le creux de sa vieille main et il disait, riant et pleurant à la fois:
"C'est du blé!... Seigneur Dieu!... Du bon blé!... Laissez-moi que je le regarde."
Puis se tournant vers nous:
"Ah! je savais bien que vous me reviendriez... tous ces minotiers sont des voleurs."
Nous voulions l'emporter en triomphe au village:
"Non, non, mes enfants; il faut avant tout que j'aille donner à manger à mon moulin... Pensez donc! Il y a si longtemps qu'il ne s'est rien mis sous la dent!"
Et nous avions tous des larmes dans les yeux de voir le pauvre vieux se démener de droite et de gauche, éventrant les sacs, surveillant la meule, tandis que le grain s' écrasait et que la fine poussière de froment s'envolait au plafond.
C'est une justice à nous rendre: à partir de ce jour-là jamais nous ne laissâmes le vieux meunier manquer d'ouvrage. Puis, un matin, maître Cornille mourut, et les ailes de notre dernier moulin cessèrent de virer, pour toujours, cette fois... Cornille mort, personne ne prit sa suite. Que voulez-vous, monsieur!... tout a une fin en ce monde, et il faut croire que le temps des moulins à vent était passé comme celui des coches sur le Rhône, des parlements et des jaquettes à grandes fleurs.
Le secret de maître Cornille (fin)
A ce moment les ânes arrivent sur la plate-forme, et nous nous mettons tous à crier bien fort comme au temps des meuniers:
"Ohé! du moulin!...Ohé! maître Cornille!..."
Et voilà les sacs qui s'entassent devant la porte et le beau grain roux qui se répand par terre, de tous côtés...
Maître Cornille ouvrait de grands yeux. Il avait pris du blé dans le creux de sa vieille main et il disait, riant et pleurant à la fois:
"C'est du blé!... Seigneur Dieu!... Du bon blé!... Laissez-moi que je le regarde."
Puis se tournant vers nous:
"Ah! je savais bien que vous me reviendriez... tous ces minotiers sont des voleurs."
Nous voulions l'emporter en triomphe au village:
"Non, non, mes enfants; il faut avant tout que j'aille donner à manger à mon moulin... Pensez donc! Il y a si longtemps qu'il ne s'est rien mis sous la dent!"
Et nous avions tous des larmes dans les yeux de voir le pauvre vieux se démener de droite et de gauche, éventrant les sacs, surveillant la meule, tandis que le grain s' écrasait et que la fine poussière de froment s'envolait au plafond.
C'est une justice à nous rendre: à partir de ce jour-là jamais nous ne laissâmes le vieux meunier manquer d'ouvrage. Puis, un matin, maître Cornille mourut, et les ailes de notre dernier moulin cessèrent de virer, pour toujours, cette fois... Cornille mort, personne ne prit sa suite. Que voulez-vous, monsieur!... tout a une fin en ce monde, et il faut croire que le temps des moulins à vent était passé comme celui des coches sur le Rhône, des parlements et des jaquettes à grandes fleurs.