La neige en deuil d' Henri Troyat
Chapitre 5
Ils tournèrent le dos au village. Chaque pas les éloignait des hommes. Isaïe marchait devant, la lanterne au poing, à lentes foulées régulières. Derrière lui, il entendait la respiration de Marcellin et le bruit de ses chaussures écrasant la neige. La flamme de la bougie révélait, au hasard de ses déplacements, des vagues blanches, caillées, une pierre avec un bonnet de coton sur l'oreille, un buisson aux branches gainées de cristaux. Plus haut, sur la droite, la pente était coupée par un torrent, qui coulait, noir, entre des berges de craie. Ils le traversèrent sur une passerelle en planches, l'air était fluide, neuf, imprégné d'un parfum de roches humides.
Engagé dans ces ténèbres pures, Isaïe ne prêtait d'attention qu'à la qualité de la neige et à l'humeur du vent. La monotonie de l'effort réchauffait ses membres et détournait son esprit de la réflexion. Le silence qui régnait dans sa tête était celui qui succède à un coup de canon. Ses épaules roulaient, ses genoux pliaient, il éprouvait du plaisir à retrouver, dans son corps, la cadence des longues randonnées en montagne. Le moindre accident du terrain lui était connu. Les métamorphoses de la nuit et du gel ne trompaient pas son sens de l'orientation.
Chapitre 5
Ils tournèrent le dos au village. Chaque pas les éloignait des hommes. Isaïe marchait devant, la lanterne au poing, à lentes foulées régulières. Derrière lui, il entendait la respiration de Marcellin et le bruit de ses chaussures écrasant la neige. La flamme de la bougie révélait, au hasard de ses déplacements, des vagues blanches, caillées, une pierre avec un bonnet de coton sur l'oreille, un buisson aux branches gainées de cristaux. Plus haut, sur la droite, la pente était coupée par un torrent, qui coulait, noir, entre des berges de craie. Ils le traversèrent sur une passerelle en planches, l'air était fluide, neuf, imprégné d'un parfum de roches humides.
Engagé dans ces ténèbres pures, Isaïe ne prêtait d'attention qu'à la qualité de la neige et à l'humeur du vent. La monotonie de l'effort réchauffait ses membres et détournait son esprit de la réflexion. Le silence qui régnait dans sa tête était celui qui succède à un coup de canon. Ses épaules roulaient, ses genoux pliaient, il éprouvait du plaisir à retrouver, dans son corps, la cadence des longues randonnées en montagne. Le moindre accident du terrain lui était connu. Les métamorphoses de la nuit et du gel ne trompaient pas son sens de l'orientation.