Les Lettres de mon moulin d' Alphonse Daudet
Le phare des Sanguinaires (fin)
Peu à peu, cependant, mes yeux s'y faisaient, et je venais m'asseoir au pied même de la lampe, à côté du gardien qui lisait son Plutarque à haute voix, de peur de s'endormir.
Au-dehors, le noir, l'abîme. Sur le petit balcon qui tourne autour du vitrage, le vent court comme un fou, en hurlant. Le phare craque, la mer ronfle. A la pointe de l'île, sur les brisants, les lames font comme des coups de canon... Par moments, un doigt invisible frappe aux carreaux: quelque oiseau de nuit, que la lumière attire, et qui vient se casser la tête contre le cristal... Dans la lanterne étincelante et chaude, rien que le crépitement de la flamme, le bruit de l'huile qui s'égoutte, de la chaîne qui de dévide; et une voix monotone psalmodiant la vie de Démétrius de Phalère...
A minuit, le gardien se levait, jetait un dernier coup d'oeil à ses mèches, et nous descendions. Dans l'escalier on rencontrait le camarade du second quart qui montait en se frottant les yeux; on lui passait la gourde, le Plutarque...Puis, avant de gagner nos lits, nous entrions un moment dans la chambre du fond, tout encombrée de chaînes, de gros poids, de réservoirs d'étain, de cordages, et là, à la lueur de sa petite lampe, le gardien écrivait sur le grand livre du phare, toujours ouvert:
Minuit. Grosse mer. Tempête. Navire au large.
Démétrius de Phalère= Daudet commet une confusion excusable; Plutarque raconte la vie de Démétrius Poliorcète, qui, précisément, chassa d' Athènes Démétrius de Phalère.
La conclusion, dans sa sécheresse et ses notations réalistes, s'oppose à tous les développements précédents. On possède une première rédaction manuscrite de ce texte, citée par Roger Ripoli, qui affadissait la force brutale de la version finalement retenue.
Le phare des Sanguinaires (fin)
Peu à peu, cependant, mes yeux s'y faisaient, et je venais m'asseoir au pied même de la lampe, à côté du gardien qui lisait son Plutarque à haute voix, de peur de s'endormir.
Au-dehors, le noir, l'abîme. Sur le petit balcon qui tourne autour du vitrage, le vent court comme un fou, en hurlant. Le phare craque, la mer ronfle. A la pointe de l'île, sur les brisants, les lames font comme des coups de canon... Par moments, un doigt invisible frappe aux carreaux: quelque oiseau de nuit, que la lumière attire, et qui vient se casser la tête contre le cristal... Dans la lanterne étincelante et chaude, rien que le crépitement de la flamme, le bruit de l'huile qui s'égoutte, de la chaîne qui de dévide; et une voix monotone psalmodiant la vie de Démétrius de Phalère...
A minuit, le gardien se levait, jetait un dernier coup d'oeil à ses mèches, et nous descendions. Dans l'escalier on rencontrait le camarade du second quart qui montait en se frottant les yeux; on lui passait la gourde, le Plutarque...Puis, avant de gagner nos lits, nous entrions un moment dans la chambre du fond, tout encombrée de chaînes, de gros poids, de réservoirs d'étain, de cordages, et là, à la lueur de sa petite lampe, le gardien écrivait sur le grand livre du phare, toujours ouvert:
Minuit. Grosse mer. Tempête. Navire au large.
Démétrius de Phalère= Daudet commet une confusion excusable; Plutarque raconte la vie de Démétrius Poliorcète, qui, précisément, chassa d' Athènes Démétrius de Phalère.
La conclusion, dans sa sécheresse et ses notations réalistes, s'oppose à tous les développements précédents. On possède une première rédaction manuscrite de ce texte, citée par Roger Ripoli, qui affadissait la force brutale de la version finalement retenue.
Dernière édition par Yves le Dim 13 Aoû - 22:09, édité 2 fois