La neige en deuil d' Henri Troyat
Un long bêlement monta de la combe, cachée par un barrage de buissons gelés. Les moutons avaient senti l'homme, à distance. Isaïe Vaudagne se mit à rire, tout seul, et pressa le pas, la tête tendue dans le vent, une coulée de froid sur chaque joue. Ses pieds s'imprimaient dans la neige mince qui couvrait le sol. Il avait hâte de revoir ses bêtes, peu nombreuses, mais solides sur pattes et de bonne toison. Lâchées au printemps sur les pentes de la montagne, elles avaient vécu toute la chaude saison en liberté. Depuis avril, une fois par mois, il grimpait là-haut, en quatre heures de marche raide, pour lez observer, les compter et se faire reconnaître d'elles. En son absence, elles changeaient de place, guidées par la saveur de l'herbe et l'exposition des terrains. Mais toujours il les retrouvait sans peine, groupées autour de la brebis maîtresse, avec leurs derniers-nés qui s'effarouchaient à l'approche de l'homme.
Un long bêlement monta de la combe, cachée par un barrage de buissons gelés. Les moutons avaient senti l'homme, à distance. Isaïe Vaudagne se mit à rire, tout seul, et pressa le pas, la tête tendue dans le vent, une coulée de froid sur chaque joue. Ses pieds s'imprimaient dans la neige mince qui couvrait le sol. Il avait hâte de revoir ses bêtes, peu nombreuses, mais solides sur pattes et de bonne toison. Lâchées au printemps sur les pentes de la montagne, elles avaient vécu toute la chaude saison en liberté. Depuis avril, une fois par mois, il grimpait là-haut, en quatre heures de marche raide, pour lez observer, les compter et se faire reconnaître d'elles. En son absence, elles changeaient de place, guidées par la saveur de l'herbe et l'exposition des terrains. Mais toujours il les retrouvait sans peine, groupées autour de la brebis maîtresse, avec leurs derniers-nés qui s'effarouchaient à l'approche de l'homme.