Le château de ma mère de Marcel Pagnol
Les carniers étaient toujours bien garnis, mais nous dévorions jusqu'aux miettes. Pendant que nous mangions l'omelette aux tomates - délicieuse quand elle est froide - les côtelettes grésillaient sur une braise de romarin. Parfois l'oncle Jules, la bouche pleine, saisissait brusquement son fusil, et tirait vers le ciel, à travers les branches, sur quelque chose que personne n'avait vu : et tout à coup tombait une palombe, un loriot, un épervier...
Quand il ne restait plus rien d'autre que les os de la côtelette et la croûte du fromage, les chasseurs, étendus sur un lit de baouco, faisaient la sieste, un mouchoir sur le visage, à cause des petites mouches, tandis que nous remontions vers les barres, pour la première visite de la tendue.
Nous avions une mémoire infaillible des lieux, des arbres, des pierres. D'assez loin, je voyais tout de suite qu'un piège n'était plus à sa place : je m'élançais avec l'émotion d'un trappeur qui s'attend à trouver le cadavre d'une zibeline ou d'un renard argenté.
Presque toujours, je découvrais sous l'arbre, ou près de la stèle, l'oiseau étranglé, le piège au cou.
tendue= opération qui consiste à tendre les pièges.
baouco= herbe à mouton (brachypode rameux)- vient de la langue occitane "baou"= falaise
Les carniers étaient toujours bien garnis, mais nous dévorions jusqu'aux miettes. Pendant que nous mangions l'omelette aux tomates - délicieuse quand elle est froide - les côtelettes grésillaient sur une braise de romarin. Parfois l'oncle Jules, la bouche pleine, saisissait brusquement son fusil, et tirait vers le ciel, à travers les branches, sur quelque chose que personne n'avait vu : et tout à coup tombait une palombe, un loriot, un épervier...
Quand il ne restait plus rien d'autre que les os de la côtelette et la croûte du fromage, les chasseurs, étendus sur un lit de baouco, faisaient la sieste, un mouchoir sur le visage, à cause des petites mouches, tandis que nous remontions vers les barres, pour la première visite de la tendue.
Nous avions une mémoire infaillible des lieux, des arbres, des pierres. D'assez loin, je voyais tout de suite qu'un piège n'était plus à sa place : je m'élançais avec l'émotion d'un trappeur qui s'attend à trouver le cadavre d'une zibeline ou d'un renard argenté.
Presque toujours, je découvrais sous l'arbre, ou près de la stèle, l'oiseau étranglé, le piège au cou.
tendue= opération qui consiste à tendre les pièges.
baouco= herbe à mouton (brachypode rameux)- vient de la langue occitane "baou"= falaise