Le château de ma mère de Marcel Pagnol
Chapitre 6
"S'il nous attaque, attention aux yeux!" chuchota Lili.
L'épouvante m'envahit soudain.
"Partons, dis-je, partons! il vaut mieux être mouillé qu'aveugle!"
Je sautai dans la brume: il me suivit.
Chapitre 7
J'avais perdu ma casquette: la pluie crépitait sur ma tête nue, mes cheveux coulèrent sur mes yeux.
"Reste contre la barre, cria Lili. D'abord on se mouillera moins et puis, on ne risque pas de se perdre."
En effet, je voyais à peine à quatre pas devant moi.
J'avais pensé que notre connaissance des lieux serait suffisante pour nous guider par la vue d'un seul arbre, d'un seul bloc de rocher, d'un seul buisson. Mais la brume n'était pas seulement un rideau qui estompe les formes: parce qu'elle n'était pas homogène, elle les transformait. Elle nous laissait voir le fantôme d'un petit pin tordu, mais elle effaçait entièrement la silhouette d'un grand chêne qui était à côté: puis le petit pin disparaissait à son tour, et la moitié du chêne surgissait, inconnue. Nous avancions dans un paysage qui changeait sans cesse, et sans la présence de la barre, que nous touchions de nos mains, nous n'eussions pu que nous asseoir sous ce déluge, et attendre.
Chapitre 6
"S'il nous attaque, attention aux yeux!" chuchota Lili.
L'épouvante m'envahit soudain.
"Partons, dis-je, partons! il vaut mieux être mouillé qu'aveugle!"
Je sautai dans la brume: il me suivit.
Chapitre 7
J'avais perdu ma casquette: la pluie crépitait sur ma tête nue, mes cheveux coulèrent sur mes yeux.
"Reste contre la barre, cria Lili. D'abord on se mouillera moins et puis, on ne risque pas de se perdre."
En effet, je voyais à peine à quatre pas devant moi.
J'avais pensé que notre connaissance des lieux serait suffisante pour nous guider par la vue d'un seul arbre, d'un seul bloc de rocher, d'un seul buisson. Mais la brume n'était pas seulement un rideau qui estompe les formes: parce qu'elle n'était pas homogène, elle les transformait. Elle nous laissait voir le fantôme d'un petit pin tordu, mais elle effaçait entièrement la silhouette d'un grand chêne qui était à côté: puis le petit pin disparaissait à son tour, et la moitié du chêne surgissait, inconnue. Nous avancions dans un paysage qui changeait sans cesse, et sans la présence de la barre, que nous touchions de nos mains, nous n'eussions pu que nous asseoir sous ce déluge, et attendre.