Les Lettres de mon moulin d' Alphonse Daudet
Le phare des Sanguinaires
C'était dans cette île enchantée qu'avant d'avoir un moulin j'allais m'enfermer quelquefois, lorsque j'avais besoin de grand air et de solitude.
Ce que je faisais?
Ce que je fais ici, moins encore. Quand le mistral ou la tramontane ne soufflaient pas trop fort, je venais me mettre entre deux roches au ras de l'eau, au milieu des goélands, des merles, des hirondelles, et j'y restais presque tout le jour dans cette espèce de stupeur et d'accablement délicieux que donne la contemplation de la mer. Vous connaissez, n'est-ce pas, cette jolie griserie de l'âme? On ne pense pas, on ne rêve pas non plus. Tout votre être vous échappe, s'envole, s'éparpille. On est la mouette qui plonge, la poussière d'écume qui flotte au soleil entre deux vagues, la fumée blanche de ce paquebot qui s'éloigne, ce petit corailleur à voile rouge, cette perle d'eau, ce flocon de brume, tout excepté soi-même... Oh! que j'en ai passé dans mon île de ces belles heure de demi-sommeil et d'éparpillement!...
corailleur= barque légère frétée pour la pêche au corail. Elle était équipée d'une unique voile latine et le plus souvent, venait de Gênes.
éparpillement= Jacques Henri Bornecque (Les Années d'appentissage d' Alphonse Daudet) a établi un rapprochement entre le passage de la 5ème des "Rêveries du promeneur solitaire" de Rousseau. Il y a, en effet, des échos d'un texte à l'autre, et d'une différence essentielle: là où Rousseau tente de saisir profondément son être, Daudet vit une expérience de l'éparpillement.
Le phare des Sanguinaires
C'était dans cette île enchantée qu'avant d'avoir un moulin j'allais m'enfermer quelquefois, lorsque j'avais besoin de grand air et de solitude.
Ce que je faisais?
Ce que je fais ici, moins encore. Quand le mistral ou la tramontane ne soufflaient pas trop fort, je venais me mettre entre deux roches au ras de l'eau, au milieu des goélands, des merles, des hirondelles, et j'y restais presque tout le jour dans cette espèce de stupeur et d'accablement délicieux que donne la contemplation de la mer. Vous connaissez, n'est-ce pas, cette jolie griserie de l'âme? On ne pense pas, on ne rêve pas non plus. Tout votre être vous échappe, s'envole, s'éparpille. On est la mouette qui plonge, la poussière d'écume qui flotte au soleil entre deux vagues, la fumée blanche de ce paquebot qui s'éloigne, ce petit corailleur à voile rouge, cette perle d'eau, ce flocon de brume, tout excepté soi-même... Oh! que j'en ai passé dans mon île de ces belles heure de demi-sommeil et d'éparpillement!...
corailleur= barque légère frétée pour la pêche au corail. Elle était équipée d'une unique voile latine et le plus souvent, venait de Gênes.
éparpillement= Jacques Henri Bornecque (Les Années d'appentissage d' Alphonse Daudet) a établi un rapprochement entre le passage de la 5ème des "Rêveries du promeneur solitaire" de Rousseau. Il y a, en effet, des échos d'un texte à l'autre, et d'une différence essentielle: là où Rousseau tente de saisir profondément son être, Daudet vit une expérience de l'éparpillement.
Dernière édition par Yves le Sam 29 Juil - 0:04, édité 1 fois