La neige en deuil d' Henri Troyat
Chapitre 5
Ils se remirent en marche. La nouvelle bougie éclairait moins bien que la précédente. La voûte d'ombre s'était baissée sur les mélèzes coupés court. Clignant des paupières, Isaïe se fatiguait à suivre ce défilé interminable de fantômes au garde-à-vous.
-Je croyais que ce serait moins long, dit Marcellin.
-On croit toujours ça, au moment de partir.
-Tu es sûr que nous attendrons la rimaye vers les huit heures?
-Sûr.
Et moi je pense que tu te trompes.
-Comment veux-tu que je me trompe? dit Isaïe. Pour d'autres choses, je peux me tromper. Mais pour ça, non, je ne peux pas me tromper. Je ne me trompe pas... A la rimaye, nous nous reposerons et nous casserons la croûte. Tu as faim?
-Non, dit Marcellin.
-Il faudra tout de même manger un bout, dit Isaïe.
Un remous d'air glacé courut sur ses épaules. La fin de la forêt était proche. Une pâleur mouvante mangeait le contour des arbres. Le couloir s'élargit, s'effaça, déboucha sur un monticule de neige. Au-delà de cette plate-forme,,l'obscurité se fondait en brouillard. Des rideaux de tulle impalpable glissaient avec majesté dans la nuit, se croisaient, s'écartaient, se déchiraient en silence.
Chapitre 5
Ils se remirent en marche. La nouvelle bougie éclairait moins bien que la précédente. La voûte d'ombre s'était baissée sur les mélèzes coupés court. Clignant des paupières, Isaïe se fatiguait à suivre ce défilé interminable de fantômes au garde-à-vous.
-Je croyais que ce serait moins long, dit Marcellin.
-On croit toujours ça, au moment de partir.
-Tu es sûr que nous attendrons la rimaye vers les huit heures?
-Sûr.
Et moi je pense que tu te trompes.
-Comment veux-tu que je me trompe? dit Isaïe. Pour d'autres choses, je peux me tromper. Mais pour ça, non, je ne peux pas me tromper. Je ne me trompe pas... A la rimaye, nous nous reposerons et nous casserons la croûte. Tu as faim?
-Non, dit Marcellin.
-Il faudra tout de même manger un bout, dit Isaïe.
Un remous d'air glacé courut sur ses épaules. La fin de la forêt était proche. Une pâleur mouvante mangeait le contour des arbres. Le couloir s'élargit, s'effaça, déboucha sur un monticule de neige. Au-delà de cette plate-forme,,l'obscurité se fondait en brouillard. Des rideaux de tulle impalpable glissaient avec majesté dans la nuit, se croisaient, s'écartaient, se déchiraient en silence.