Voici la suite des Lettres de mon moulin
Installation
Ce sont les lapins qui ont été étonnés!... Depuis si longtemps qu'ils voyaient la porte du moulin fermée, les murs et la plate-forme envahis par les herbes, ils avaient fini par croire que la race des meuniers était éteinte, et, trouvant la place bonne, ils en avaient fait quelque chose comme un quartier général, un centre d'opérations stratégiques; le moulin de Jemmapes des lapins... La nuit de mon arrivée, il y en avait bien, sans mentir, une vingtaine assis en rond sur la plate-forme, en train de se chauffer les pattes à un rayon de lune... Le temps d'entrouvrir une lucarne, frrt! voilà le bivouac en déroute, et tous ces petits derrières blancs qui détalent, la queue en l"air, dans le fourré. J'espère bien qu'ils reviendront.
Quelqu'un de très étonné aussi, en me voyant, c'est le locataire du premier, un vieux hibou sinistre, à tête de penseur, qui habite le moulin depuis plus de vingt ans. Je l'ai trouvé dans la chambre du haut, immobile et droit sur l'arbre de couche, au milieu des plâtras, des tuiles tombées. Il m'a regardé un moment avec son oeil rond; puis, tout effaré de ne pas me reconnaître, il s'est mis à faire;"Hou! hou!" et à secouer péniblement ses ailes grises de poussière;- ces diables de penseurs! ça ne se brosse jamais... N' importe! tel qu'il est, avec ses yeux clignotants et sa mine renfrognée, ce locataire silencieux me plaît encore mieux qu'un autre, et je me suis empressé de lui renouveler son bail.
Ce texte," Installation", a paru dans le Figaro du 16 Octobre 1868 avec" La diligence de Beaucaire" auquel il sert de longue introduction.
Le moulin de Boussu fut l'un des points de combat où Dumouriez fit détaler les Autrichiens au cours de la bataille de Jemmapes. (6 Novembre 1792)
Installation
Ce sont les lapins qui ont été étonnés!... Depuis si longtemps qu'ils voyaient la porte du moulin fermée, les murs et la plate-forme envahis par les herbes, ils avaient fini par croire que la race des meuniers était éteinte, et, trouvant la place bonne, ils en avaient fait quelque chose comme un quartier général, un centre d'opérations stratégiques; le moulin de Jemmapes des lapins... La nuit de mon arrivée, il y en avait bien, sans mentir, une vingtaine assis en rond sur la plate-forme, en train de se chauffer les pattes à un rayon de lune... Le temps d'entrouvrir une lucarne, frrt! voilà le bivouac en déroute, et tous ces petits derrières blancs qui détalent, la queue en l"air, dans le fourré. J'espère bien qu'ils reviendront.
Quelqu'un de très étonné aussi, en me voyant, c'est le locataire du premier, un vieux hibou sinistre, à tête de penseur, qui habite le moulin depuis plus de vingt ans. Je l'ai trouvé dans la chambre du haut, immobile et droit sur l'arbre de couche, au milieu des plâtras, des tuiles tombées. Il m'a regardé un moment avec son oeil rond; puis, tout effaré de ne pas me reconnaître, il s'est mis à faire;"Hou! hou!" et à secouer péniblement ses ailes grises de poussière;- ces diables de penseurs! ça ne se brosse jamais... N' importe! tel qu'il est, avec ses yeux clignotants et sa mine renfrognée, ce locataire silencieux me plaît encore mieux qu'un autre, et je me suis empressé de lui renouveler son bail.
Ce texte," Installation", a paru dans le Figaro du 16 Octobre 1868 avec" La diligence de Beaucaire" auquel il sert de longue introduction.
Le moulin de Boussu fut l'un des points de combat où Dumouriez fit détaler les Autrichiens au cours de la bataille de Jemmapes. (6 Novembre 1792)
Dernière édition par Yves le Mer 1 Mar - 9:03, édité 1 fois